Mag_about : “les rappeurs comprennent que le maquillage, ce n’est pas uniquement pour les filles”
Quelque temps après avoir annoncé le 2ème numéro de son magazine éponyme, le média Mosaïque dévoilait en trombe sa nouvelle couverture. Un 8ruki touchant se trouvait au centre d’un fond vert texturé. C’est la make-up artist parisienne Mag_about qui s’est occupée du visage du rappeur, qui vient de sortir son projet Int8tion. Nous avons rencontré l’étudiante afin de comprendre l’importance grandissante de son métier dans le rap.
+33 : Comment as-tu commencé le make-up ?
Maga_bout : Je suis sortie du lycée il y a deux ans avec un bac général. À l’époque, je ne savais pas du tout ce que je voulais faire. J’ai directement fait une école à Paris qui s’appelle « ITM », là où je suis actuellement en train de finir ma deuxième année. Je voulais me lancer à côté afin d’exercer le plus tôt possible mon métier. Dès que je suis arrivé en cours, j’ai directement commencé à pratiquer le make-up dans tous les milieux. Je suis bien ancrée dans le milieu du rap maintenant, c’est plutôt cool.
+33 : Comment as-tu atterri dans le rap ?
Mag : J’ai toujours beaucoup aimé la musique, j’écoute beaucoup de rap. Tout s’est fait assez naturellement. J’ai eu quelques contacts à droite à gauche. Pour Mosaïque, j’ai répondu simplement à une de leurs annonces pour travailler avec eux et ça s’est fait. C’était des recommandations et du démarchage.
Maquillage et Peura’
+33 : Comment le monde du make-up voit le milieu du rap ?
Mag : Ça dépend beaucoup des artistes. J’ai eu la chance de travailler avec plusieurs artistes et plusieurs directions artistiques. J’ai eu des artistes masculins qui étaient plus dans un maquillage naturel et j’ai eu plusieurs artistes féminines avec des demandes plus créatives. J’ai maquillé Théodora pour la sortie de son E.P. Elle m’avait laissé carte blanche car j’avais été recommandée par une amie en commun. Elle m’a fait confiance car elle connaissait mon mood.
+33 : Comment le milieu du rap voit le monde du make-up ?
Mag : De manière générale, j’ai l’impression que les artistes, qu’ils soient masculins ou féminins, assument de plus en plus le fait que pour qu’un projet semble abouti, leur apparence doit être soignée. Les rappeurs comprennent que le maquillage, ce n’est pas uniquement pour les filles. C’est assez cool car il y a une ouverture d’esprit qui est en train de se mettre en place au niveau du maquillage. Ça nous rend beaucoup plus accessibles dans ce milieu.
+33 : As-tu eu des références de make-up artist dans le rap ?
Mag : Pas spécialement. Je trouve qu’on ne voyait pas de maquillage très artistique très créatif. C’était souvent des trucs légers, des mises en beauté… Je n’avais pas trop de référence. Ça me fait encore plus plaisir de mettre ma patte dans ce milieu et qu’on commence à me voir un peu plus.
+33 : Est-ce que c’est une manière de s’affirmer en tant que meuf dans ce milieu ‘masculin’ ?
Mag : Oui. J’ai remarqué qu’il y a de plus en plus de filles qui se lancent. C’est trop cool. Ce n’est pas aussi stéréotypé, surtout avec les hommes qui sont déjà en place. Ça laisse plus de place à la diversité.
Les dessous DU métier
+33 : C’est quoi ta routine de travail ?
Mag : Pour les couvertures de magazine, j’essaye de beaucoup m’adapter à l’univers de l’artiste que je maquille. J’ai fait celle de l’artiste BabySolo (pour le magazine Mosaïque, NDLR), je me suis un peu renseigné sur comment elle était dans sa com’ et son apparence. Comme pour 8ruki, je m’étais renseignée et je savais qu’il ne fallait pas que je fasse quelque chose de trop remarqué. J’avais discuté avec le photographe avant, on savait qu’il fallait faire quelque chose de clean et qu’on voit ses tatouages car ça fait partie de sa personnalité et de comment il est.
+33 : Quelle ambiance y a-t-il sur les tournages ?
Mag : Sur les shootings, on discute pas mal avant le tournage. On voit comment le feeling passe. On regarde le stylisme de chaque artiste, comment il s’habille, puis on voit comment la photo se met en place. À ce moment-là, c’est à moi. Je fais gaffe à ne pas tacher l’artiste avec ses habits (rires) et on essaye de faire quelque chose d’assez cohérent au niveau des décors et de la volonté du photographe et de l’équipe.
La relation avec l’artiste
+33 : Quel format t’inspire le plus ?
Mag : J’aime beaucoup les shootings car c’est ponctuel et qu’il n’y a pas la lassitude comme pour les longs-métrages où tu fais beaucoup la même chose, la même personne tout le temps. Je préfère le ponctuel, l’éphémère, comme les clips. Le shooting-photo c’est vraiment le format où j’ai la sensation d’exprimer toute ma créativité.
+33 : Quelle est ta meilleure collaboration ?
Mag : Avec l’artiste Theodora ça s’est vraiment bien passé. C’est l’un de mes meilleurs souvenirs. On avait une salle pour make-up et quand je la maquillais, il y avait toute l’équipe autour, les gens parlaient et on apprenait à se connaitre. C’était un make-up assez long donc on a tous bien échangé. J’ai gardé un bon contact avec le photographe avec qui j’ai refait un shooting par la suite.
+33 : Qui sont les artistes avec qui tu te verrais collaborer ?
Mag : Je n’ai pas forcément d’artiste goal. Comme beaucoup de maquilleurs, j’aimerais bien travailler avec Vogue ou des magazines comme ceux-là. J’ai toujours peur de voir comment sont les artistes en vrai, quand je ne les connais pas personnellement. On n’a jamais vraiment la personnalité réelle de l’artiste sans l’avoir rencontré. J’ai peur d’avoir une mauvaise expérience, même si en général ça se passe très bien.
+33 : C’est presque du domaine de l’intime le make-up ?
Mag : C’est ça ! On est un métier psychologique et social. On établit un contact pour que la personne soit à l’aise et contente du résultat.
+33 : Est-ce que tu penses pouvoir en vivre un jour ou le métier reste assez précaire ?
Mag : Je trouve que les gens ne se disent pas qu’être maquilleuse ça a un coût. Ils voient l’achat des produits qu’on dépense mais pas qu’on est rémunérés. Le minimum que je demande financièrement c’est le défraiement des produits que j’achète. Si je n’ai pas de rentrée d’argent, ce n’est pas grave. Mais au moins que je ne paye pas pour faire ce métier, ce n’est pas le but. Au fur et à mesure, avec tout ce que j’ai pu faire, je commence à me rémunérer. Je me dis qu’en sortant de l’école, j’espère pouvoir en vivre, c’est cool. J’ai créé ma micro-entreprise, c’est trop bien. Mais les gens ne prennent pas assez en compte qu’il faut rémunérer les métiers que ce soit maquilleur, photographe…
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