Le retour de la presse papier rap en France

Le 2 décembre dernier, Mehdi Maïzi ironisait autour de deux questions posées à lui et son équipe sur le tournage d’une vidéo avec Raplume. Tirées dans un bol transparent, les interrogations écrites sur un bout de papier concernaient le retour de la presse magazine rap. Le responsable de la branche hip-hop d’Apple interrogeait : « Est-ce que ce n’est pas un épiphonème ? Est-ce que cela marche vraiment ? C’est unyae question que je vous pose ».

En s’adressant ainsi auprès de Raphaël Dacruz et Sandra Gomes, tous deux journalistes et membres du Code Review, Mehdi Maizi met les deux pieds dans le plat. La presse papier rap, longtemps en dessous des radars, semble être plus que jamais présente depuis 2010 avec de nombreux -petits- tirages. 33carats, Osmose, 16 Mesures, Le Roulo, International Hip-Hop ou encore Mosaïque… Autant de médias que de sensibilité et de références musicales qui ont créé une ligne éditoriale personnelle et couché sur papier des contenus innovants comme d’autres plus classiques.

Avec un format papier latent, voire en voie d’extinction depuis les deux dernières crises que le monde connait, le magazine est clairement en péril. Avec sa réappropriation par la nouvelle génération d’auditeurs de rap, le format « papier glace » est-il voué à redevenir un modèle d’information à part entière dans le milieu du hip-hop ? (+33)RAP s’est posé la question.

Avant de commencer, petit disclaimer. Cet article n’a pas pour but de retracer l’histoire de la presse spécialisée rap magazine. D’autres articles le font déjà bien, comme celui de l’EPJT ou celui de Slate. Nous nous intéressons ici à comprendre comment la presse magazine rap s’est éteinte au milieu des années 2000 pour mourir en 2015-2016, et est actuellement en train de revenir, les raisons et le renouveau journalistique qui se crée tout autour.

Le magazine rap depuis les années 80

Histoire. Pour comprendre ce qui a poussé le magazine rap à revenir, il faut déjà comprendre ce qui l’a poussé à partir. Rembobinons la cassette.

Au milieu des années 80, un nouveau genre musical, une nouvelle culture arrive des Etats-Unis : le hip-hop. D’abord une danse, puis une manière de graffer, ensuite une façon de rapper… Le Hip-Hop est rentré dans la tête de nombreux adolescents et jeunes hommes du début des années 90. Jusqu’à entrer dans les télés de nombreux foyers français, le dimanche après-midi avec une émission hebdomadaire nommée sobrement : « H.I.P.H.O.P. ». Animée par Patrick Duteuil, dit Sidney, ce programme d’une heure mettant en avant des gamins de banlieue dansant sur la tête à côté d’autres MCs découpant des prods boombap en ont dérouté plus d’un. Et puis, de mettre un présentateur de couleur à l’antenne un dimanche après le journal de 13h en 1984, il fallait oser !

Malgré une émission qui ne réalisera que 43 diffusions et qui ne restera à l’antenne moins d’un an, H.I.P.H.O.P. lancera malgré tout la culture hip-hop en France. Après cela, de nombreux fans se pressent chez les disquaires et se mettent à graffer un peu partout, s’approprient ces nouveaux codes ‘marginaux’. Le mouvement est en marche !

Avec cette émission diffusée en clair sur TF1, de nombreux artistes éclosent. Des breakeurs se mettent à danser, les scracheurs économisent pour se payer leur platine et créer des french block parties avec Assassin et NTM en tête. Pour ceux n’ayant aucune des compétences requises pour tout cela, il reste le journalisme rap. Les premiers magazines arrivent du côté de Paris et notamment avec Olivier Cachin. Ce journaliste, activiste et avant tout passionné de Hip-Hop crée l’Affiche avec Franck Fatalot dès 1988. Ce magazine, ce fanzine, est avant tout un modèle de contre-culture total créé pour représenter une musique mise de côté, d’où son nom « l’Affiche, le magazine des autres musique ».

Ce mensuel vendu à l’époque vingt francs devient rapidement un repère, un refuge, une bible pour les amateurs de rap. On y trouve les dernières sorties de musique, les chroniques d’albums outre-Atlantique ou encore des pages entières de graff. À la suite de l’Affiche, une dizaine de numéros vont tenter de percer le marché, et on va assister à la fameuse année 98, âge d’or du hip-hop français.

Le magazine l’Affiche, première référence du magazine rap en France, dès 1984.

Le mag’ rap en réaction aux presses traditionnelles

Le sociologue de la presse musical Gérôme Guibert.

Gérôme Guibert, sociologue des médias musicaux et spécialisés dans les musiques contemporaines a écrit un essai sur la presse magazine musicale en France publié dans le manuel d’analyse de la presse magazine. Il a accepté de revenir avec nous sur cette période phare du mag rap :

« Dans le rock, il y a eu les magazines de rock comme Best et Rocknfolk en réaction aux magazines de variété comme Salut Les Copains; ils traient des nouveaux courant qui émergent, notamment le Heavy Metal, avant que la presse du métal se crée car Rocknfolk était elle-même trop généraliste. On constate le même mouvement dans l’électro et dans le hip-hop. Il y a quelques articles de rap que l’on trouve dans des magazines généraux début 90, puis il y a un magazine de rap important qui nait dans la fin des années 80 avec Olivier Cachin : l’Affiche. Ils se positionnent comme le magazine de « musique noire » et ce sont les premiers. La spécificité avec l’Affiche, ce qu’on traite de funk, de house, de Rnb et de Rap en même temps. Puis, on va voir un magazine spécialisé sur le rap qui est Radikal, qui arrive après RER. Une des particularités, c’est que le magazine rap arrive avec une volonté de couvrir les musiques noires : l’Affiche, puis des médias tentent d’aller encore plus loin et se spécialisent dans le rap. Il y a des magazines de graff, des magazines de danse hip-hop. À un moment, c’était assez fort ».

Ce qui est à mettre en parallèle aujourd’hui avec l’histoire de la création du magazine rap, c’est que la presse rap a toujours souffert d’une moins bonne image que les autres. Même quand il était au top, le rap vendait toujours moins que les presses électro ou pop. Encore aujourd’hui, le genre écrase les autres musiques en streaming, mais peine à s’imposer médiatiquement comme d’autres médias, notamment dans la presse papier.

Le seul moyen de médiatisation

Si le format du magazine se développe au début des années 90, c’est que son vecteur social lui permet de passer de main en main et d’informer les passionnés de hip-hop. Thomas Blondeau, ancien journaliste chez RER devenu Radikal témoigne de l’importance de cet objet aujourd’hui de collection, à l’époque nécessaire :

« La presse était importante à l’époque. Il ne se passait rien sur internet. L’audience était réduite, le magazine papier existait dans tous les domaines. La presse était un média central. Le magazine rap avait explosé commercialement, une industrie s’était créée. Il y avait une stimulation, une concurrence, on se connaissait tous, on ne s’intéressait pas aux mêmes angles journalistiques ou aux mêmes artistes, on avait des lignes éditoriales différentes ».

De nombreuses presses rap investissent le marché grandissant du rap au milieu des années 90 et prennent le train en marche. Chacune avec une ligne éditoriale différente, certains underground graffiti/danse comme The Truth, véritable référence papier du rap indé’. Celui-ci se vend chez les disquaires spécialisés, « New Noise dans le rock actuellement s’est un peu inspiré de la couverture de The Truth qui avait une couverture « 100% rap, 0% RNB », détaille même le sociologue parisien Gérôme Guibert.

D’autres papiers plus mainstream travaillent directement avec les labels et font la promotion du RAP/RNB, ce qui leur vaut une connotation très lisse. Au début des années 2000, pas loin de 12 presses rap se font concurrence et les annonceurs se bousculent pour placer leur publicité. Parmi ces annonceurs, les labels et les entreprises investissent et financent ce qui était 5 ans plus tôt une ‘contre-culture’. UMG ou Warner au milieu de certaines marques spé à l’ethno-marketing ciblé ou des entreprises de vêtements comme Carhartt investissent les pages papier de Rap RNB, Skyrock Magazine, Digitial Hip-hop ou encore Rap Mag.

La crise du disque et la fin d’une génération médiatique rap

Mais en arrivant vers le milieu des années 2000, à l’époque où tous les « n###os n’arrêtent pas de signer » comme dirait Booba, de nouveaux médias audacieux vont tenter eux aussi de s’immiscer dans le monde du journalisme. Ils vont surtout vouloir se réapproprier une culture de banlieue qui est la leur et qui ne semble plus correspondre à leur vision du milieu. Booska’P mise tout sur la vidéo et leur fameux site-internet, en plein essor à cette période.

Grégory Curot, ancien journaliste pour RAP MAG, World Sound et Générations se souvient : « Le mag’ c’était le seul média pour les rappeurs à l’époque. Quand j’ai commencé au début des années 2000, internet balbutiait. Puis, on a vu arriver Booska’P. Pour être sincères, on n’a pas compris que ça allait nous enterrer. On voyait ce qu’ils faisaient mais on pensait que les deux pouvaient marcher en parallèle. Il y a eu un switch. La démocratisation d’Internet a pris une telle ampleur que les magazines papiers ont été dans le dur. Ça été conjugué avec une crise du disque à la fin des années 2000, début 2010 ».

Avec cette fuite des auditeurs vers le tout-internet, les revenus publicitaires du monde de la presse papier musicale s’effondrent eux aussi. C’est ce que l’on appelle le hors captif : « avec le développement d’internet à compter de 1995 : les fournisseurs d’accès Internet investissent dans des pages de publicité pour leurs offres d’abonnement (…) qui offre un autre créneau à exploiter ». Ce qui corrèle avec le second argument de Gérôme Guibert dans son reportage : ‘le déclin de la presse papier et l’essor du numérique’ : « le chiffre d’affaires de l’industrie des musiques enregistrées décroit, la production est en crise, passant de 1,4 milliards d’euros en 2000 à moins de 550 millions en 2016 ». Un manque à gagner qui se ressent donc sur les revenus publicitaires qui représentent 50% voire parfois 90% de l’économie de certains médias.

Avec l‘avènement d’internet donc, pour retrouver ses chroniques d’albums préférés ou des interviews d’artistes émergents ‘sur qui il faudra miser sur les prochaines années’, il n’était plus nécessaire d’aller au kiosque du coin, mais d’ouvrir son P.C portable. Gérôme Guibert, sociologue des médias, revient également sur l’évolution du format magazine au début des années 2000 : « Aujourd’hui, un magazine qui marche, c’est une entreprise qui fait plein de choses dont un magazine, qui est devenue une activité périphérique. Alors qu’à l’époque, c’était le magazine le centre. Ceux qui ont passé le cap comme les Inrocks ou Libération : ils sont allés chercher l’argent via le site internet ».

« J’suis l’enfant d’internet »

Yann Cherruault, journaliste chez l’Affiche au début des 2000, décide de quitter le navire d’un média tendant vers la presse adolescente. Après avoir remporté un procès aux Prud’Hommes contre son ancien employeur, le trentenaire parisien utilise l’argent gagné pour monter son propre média. Il crée Digital Hip-Hop dans ce qui est considéré comme ‘la grande époque du magazine papier hip-hopien’. Il nous explique par téléphone : « On voulait faire un magazine « Digital Hip-hop » et « Digital Rock » de 2002 à 2008. J’ai récupéré le concept du magazine et j’ai laissé à mes associés l’aspect vidéo. J’ai transformé « Digital Hip-hop » vers ce qu’est aujourd’hui « International Hip-hop » : une association ».

Yann a lui aussi vécu la chute d’un modèle économique viable. Ce passionné de musique d’outre-manche utilisait jusqu’à son revirement début 2010 un circuit bien rôdé via des boutiques spécialisées sur Paris qui envoyait son mensuel gratuit dans la France entière « On avait également un distributeur de disque « Chronowax », à qui on livrait à peu près 1.000 magazines et qui envoyait les magazines avec les commandes de cassette, vinyle et C.D dans toute la France ». Mais force est de constater que début 2010, Booska’P et le « tout-internet » transforment le paysage médiatique français et mondial. Le média « Digital Hip-hop », Yann Cherruault en fer de lance, investissent massivement dans la vidéo et en deviennent une référence : « Digital Hip-hop était le premier magazine au monde à avoir un DVD. On a su peaufiner notre proposition.». Aujourd’hui, le format est devenu semestriel, le média associatif « L’activité presse est difficilement rentable, le moyen le plus rentable pour nous c’est l’associatif ».

Fin du (magazine) Rap

En plus de la mort de cette économie et de l’intérêt de plus en plus réduit pour le format magazine dans le rap, c’est le genre musical entier qui flanche. Fin 2000/début 2010, le rap n’a plus la côte. La génération LIM, Alibi Montana, Nessbeal, souvent définis à juste titre comme des « Rois Sans Couronne » ont souffert d’une perdition du mouvement. Les investisseurs des médias des presses spécialisées dont le rap fait partie se retirent aussi rapidement que les téléchargements sur les sites illégaux tuent les maisons de disques.

Les annonceurs ne veulent donc plus investir de l’argent dans une musique rebelle, pour qui « le passage à internet s’est fait plus rapidement que pour les autres cultures ». Gérôme Guibert, développe : « Par un moment, les gens qui contrôlaient les médias ont voulu privilégier le contenu –l’information– plutôt que le tuyau –comment passe l’information. Mais ils ont oublié que les gens, avec internet, pouvaient se saisir eux-mêmes du contenu : télécharger avec son MP3 » avant de conclure que « le rap a pris plus rapidement le virage d’internet ».

Thomas Blondeau, journaliste à l’Affiche à l’époque, se souvient : « Il y avait une rapidité de circulation de la presse qui a tué le papier. Quand les magazines sortaient, l’album était déjà traité par des médias internet. Si tu as un mensuel, tu peux avoir parfois 2/3 semaines de retard ». Grégory Curot, passé par Rap Mag, dernier bastion du magazine papier dans le hip-hop français jusqu’en 2014, se souvient lui-aussi avoir vu un marché entier s’effondrer : « En 2010, il n’y a pas de streaming : les artistes ne vendent pas de disques, donc pas de publicité chez nous. Les gros artistes qui nous ont porté chez Rap Mag pendant 10 ans comme Sefyu, Alibi Montana, Sinik… Ils fléchissaient à la fin des années 2000. On n’avait pas de relève, à part Seth Gueko ou Mister You. Mais on n’avait pas de superstar comme Jul pour porter toute une économie ».

Le nouvel âge d’Or du RAP FRançais

Entre cette époque et celle que nous connaissons aujourd’hui en 2023, de l’eau a coulé sous les ponts. Une longue traversée du désert s’est effectuée pour le rap et une nouvelle génération dorée a éclore aux alentours de 2015. PNL, Kaaris, Jul, Sch, Niska, Gradur, Nekfeu, sont autant d’artistes que de courant musicaux à eux-seuls. Ils vont tous sortir de gros projets à la mi-temps des années 2010 et redorer le blason de la culture hip-hop.

Avec cette nouvelle musique importée de la trap américaine, de la musique ‘à la jul’ ou de la drill de Chicago, un nouveau public va se créer et de nouveaux médias leur emboitent le pas :  RapElite, Interlude, Midi Minuit, Rapunchline… Ces médias ont grandi, ont fait grandir leurs artistes et par la même occasion leur public. Cette nouvelle génération arrive avec de nouveaux codes et l’ère du clout américain arrive en France, créant les débuts de l’actualité chaude et des contenus fast-food. Les formats boulimiques qui ont tué la presse papier sont également en train de créer de nouveaux formats dans le rap « l’interview sandwich », les interviews courtes, les « tu préfères » ou autres formats Konbini….

Si l’on fait un bond en avant dans le temps, nous arrivons au début des années 2020. La fin du confinement est le synonyme d’un retour au physique et l’envie pour chacun de lire des livres, de consommer physique et local, mais surtout d’acheter à nouveau des magazines. Avec cette nouvelle façon de consommer, un nouveau virage rap se prend également avec en tête d’affiche la drill, la trap, l’hyperpop, la digicore, le retour du boombap et la jersey… 1863, Raplume, Mosaïque ou Cul7ure prennent part à ce nouveau mouvement et un nouvel élan médiatique se crée.

Une nouvelle génération veut se réapproprier tous les codes du hip-hop et plus seulement du rap, redevenu tendance en quelques années. Même pour la fête de la musique 2022, la culture urbaine est de partout. Pour aller plus loin, certains médias vont créer un circuit parallèle aux réseaux sociaux et au tout-internet : le magazine.

un laboratoire d’expérimentations

Lise et Thibaud, rédacteurs en chef du magazine Mosaïque, durant la création du premier numéro éponyme.

Si le magazine rap est de retour, il revient avec de nouveaux codes. Ce nouveau format de fanzine, comprenez « magazine de fans », reste une démarche avant tout passionnée, répondant davantage à des questions de goûts et de thématiques, que les démarches journalistiques d’antan.

Aujourd’hui, le magazine se réfléchit dans une démarche personnelle, presque introspective, qui exige une autonomie et une ligne éditoriale précise. Pour cela, des rédactions se créent et la prise au sérieux du métier est une qualité plus qu’exigée. Mosaïque, avec son fameux magazine éponyme et les grillz de Prince Wally vient soulever Twitter en novembre 2022. Accompagné de l’incubateur lyonnais « Hotel 71 », le média bénévole se place dans la lignée du Roulo ou du magazine auto-financé 16 Mesures. Toutes ces entités placent en leur magazine -leur bébé- une démarche dévouée et passionnée plus que jamais au centre de leur vie et de leurs médias respectifs.

La récurrence des tirages a changé : de semestriel ou trimestriel envoyé par la Poste désormais pour Osmose, 33carats ou Mosaique, quand les magazines se vendaient en kiosque chaque mois il y a une dizaine d’années. Même si ces contenus à plus faible niche (300 tirages chacun en moyenne) se font plus rares, cette création de contenus reste bénéfique pour les artistes qui accompagnent cette génération de nouveaux médias. Les labels cherchent des formats innovants pour leurs artistes.

A2h, présent sur la couverture du Magazine de 16 Mesures numéro 2, se félicite du travail réalisé : « Je ne vais pas te mentir, avant de faire cette couverture, je ne savais absolument pas que c’était papier de base. On partait pour une interview classique de base et on m’explique au dernier moment qu’il va y avoir des photos et du papier. C’était chanmé ! Mais ça m’a fait flipper, j’ai vu un photographe, j’ai espéré que ce n’était pas bidon. On m’a consulté avant de publier, ils ont mis les petits pas dans les grands. Ils m’ont mis en couv avec une préface avec Neefa. S/o à eux ils ont fait un super taff ». L’artiste auteur d’un fulgurant passage sur le dernier Grünt d’Isha est d’autant plus intéressé par le format papier qu’il travaille aujourd’hui à diversifier ses apparitions : « Oui, c’est cool. C’était une envie d’ado les gros magazines de peura. Ce n’est pas Rer ou Groove mais je suis encore en première page d’un magazine ».

Cet artiste, à la démarche rockeur/superstar, développe sur le plaisir que cela génère d’apparaitre en première de couverture : « Au-delà de lire, les livres sont devenu des objets. Il y a des gens qui achètent des CD et vinyles car ce sont des objets comme des livres. Ça fait des livres stylés, ça fait partie du game, ça fige un mouvement ».

En plus de la première de couverture, 16 mesures a également proposé une interview assez consistante de l’artiste parisien avec un angle de vue bien différent. Clément, son fondateur et rédacteur en chef se souvient : « Avec A2H, on voulait prendre le temps, faire un plus gros format et un peu plus le travailler ». Après une première expérience, « un crash-test » sur le premier volume où apparaissent PLK et Niska via une photo récupérée par un contact, Clem’ voulait avant tout créer une relation pour ce second tirage : « Quand on fait des interviews, on essaye d’amener des artistes sur des sujets globaux. Comme A2H, on a évoqué la symbolique de la rose, de la lame et sa vision ».

Une du Volume 2 de 16 Mesures magazine.

le fond et la forme

Une vision globale, plus personnelle, sur certains sujets qui permet de soulever des problématiques, des angles de fonds en lien avec des artistes qui ont de nombreuses choses à offrir aux journalistes et à leurs lecteurs. Cul7ure avec son magazine Osmose en a d’ailleurs bien compris tous les enjeux. L’une des belles surprises médiatiques de cette année 2022 a elle aussi proposé son propre magazine.

La 3ème édition sortie à quelques jours d’écart avec Mosaïque « n’était pas calculé » nous explique Amélien, rédacteur en chef du média, mais elle a impressionnée. Notamment grâce à des sujets moins sensibles qui permettent une liberté de ton et de formats. Les sujets sur les artistes Vannee ou Ekloz donnent une impression de vraie découverte de nouveaux artistes loin des algorithmes et autres promotions plus éphémères sur Twitter ou Instagram. C’est la rédactrice, Élise qui a choisi d’interviewer ces deux talentueuses artistes. Arrivée chez Cul7ure il y a quelques mois, cette grande lectrice de deux premiers volumes du magazine de 70 pages se félicite de la dynamique du troisième du nom, et d’en faire partie !

La ligne éditoriale semble maitrisée et assumée selon elle, lui permettant de pouvoir proposer des sujets sans lien apparant avec l’actualité : « j’aime bien le principe de faire des choses atemporelles. On veut travailler des contenus plus recherchés, plus profonds, pas uniquement en dossier d’ailleurs ». Dans ces formats magazines, les journalistes peuvent s’exprimer et revenir longuement sur leurs sujets préférés qui ont construit leur musique et leur identité d’auditeur.

Une presse magazine nationale et locale

En plus de l’évolution de leur propos, les magazines et médias rap tentent également de ne plus s’attacher aux étiquettes. La fin des déontologies du journalisme traditionnel d’antan, l’avènement des frontières entre journalistes et influenceurs, ou encore les avis très tranchés et personnels que sont les comptes Twitter rap.

La presse du milieu avance désormais avec plus de possibilités et c’en est presque fini de l’hégémonie parisienne des médias rap. Aujourd’hui, tout le monde tend l’oreille sur ce qui se fait à Lyon, à Bordeaux, à Toulouse ou Rennes… Autant de villes avec des artistes, des publics et des scènes locales puissantes. La proposition artistique et leur propos demeurent plus privilégiés que leur localisation ou leur appartenance. Cela fait écho au développement des médias comme Raplume, longtemps associé à Montpellier par car son fondateur Alvaro y était originaire, 1863 longtemps basé à Lyon ou 33Carats à Lille… Alors qu’à l’époque où les magazines étaient les seuls moyens d’expression dans la presse rap, des équivalences provinciales à Paris ont du se construire en réaction à la surpuissance médiatique de la capitale. C’est notamment le cas de « Version 69 », l’un des premiers gros tirages d’actus rap local.

Kashif Kroche, la vingtaine dans les années 2000 et actuel propriétaire d’un magasin de collection de musique hip-hop, jazz fusion et g-funk « sounds of music » à Lyon se rappelle : « Version 69, ceux qui suivaient le rap à Lyon ont beaucoup aimé. Pour l’annonce des concerts, les futures mixtapes des groupes de la ville… Tout le monde attendait les informations qui sortaient dedans. À part IPM (un groupe de rap lyonnais, NDLR) qui avait son propre label, on n’avait aucune structure ici, c’étaient que des artistes indépendants ».

Kâshif Kroche, propriétaire du magasin « Sounds of Music » à Lyon, collectionneur de magazines de musique, CDs et Vyniles. Crédits : Tristan.

JM, fondateur de Version 69 se rappelle lui aussi « Le point de départ du projet c’est Version 69, un fanzine sur le rap lyonnais. L’idée est bête, je me suis dit qu’il existait des fanzines de partout en France, mais il n’y en a pas à Lyon. J’étais danseur à cette époque à Lyon et l’idée était de montrer qu’il y avait des choses qui se faisaient ici. On n’a pas de star, mais on a une vie au quotidien, de passionnés à Lyon. Il y avait un contraste entre les gens qui me disaient « pourquoi tu fais un fanzine sur le rap à Lyon alors qu’il ne se passe rien » et la rivalité qu’il pouvait y avoir entre les bboys… J’ai fait ce magazine pour parler de Lyon, les kickeurs, les danseurs, ceux qui faisaient bouger la ville. Les gens étaient contents de voir que ça bougeait ».

Le rap fait vendre, les couvertures de magazine aussi !

Nous parlions plus haut de l’importance d’avoir Prince Wally ou Green Montana en couverture des derniers numéros de Mosaïque et Osmose. Ces démarches s’inscrivent dans cette surconsommation et glorification des artistes et de leurs contenus. Un argument de taille qui a permis à la presse papier rap de se démarquer.

Traxmag’ a exploité cette faille. Le magazine, créé en 2017 pour couvrir les musiques électroniques, tend désormais à ouvrir son marché. Simon Clair, recruté en 2019 pour participer à ce développement éditorial est désormais le rédacteur en chef du trimestriel papier. Avoir Jul ou Laylow en couverture semble tout à fait cohérent avec l’époque musicale actuelle selon lui : « On voulait progressivement arrêter de faire des distinctions entre le rap et les musiques électro, car c’est souvent la même chose, les mêmes personnes, les mêmes machines » explique t’il. « On s’est fait taper sur les doigts » avoue-t-il néanmoins, avant de rajouter : « mais on savait où on mettait les pieds. On voyait des similitudes avec la musique de Jul et l’électro ».

Si le rap intéresse même le public électro, les vedettes de l’interprète de Trinity et l’Ovni ont tout simplement conquis le public  de TRAX : « quand on a fait la couverture de Laylow, elle était sold-out en une journée. La couverture garde un effet d’appel ultra marqué ». Tout comme Prince Wally avec Mosaïque ou A2H avec 16 Mesures, les artistes évoluent avec leur public, leurs médias et cette relation créée un impact fort sur la consommation du public. Avoir son artiste préféré en couverture d’un bel objet que l’on peut mettre sur sa table basse devient un « marqueur social » selon Gérôme Guibert sociologue, y compris pour les artistes eux-mêmes. A2H en témoigne : « toute ma famille a acheté le magazine de 16 Mesures où je suis en couverture : ma mère et mes sœurs elles en ont acheté un wagon et elles en ont distribué à tout le monde ».

L’importance d’un objet de collection

Avec cette démarche indé’, le mouvement revient lui-aussi à l’essence même de l’histoire du rap commencée il y a plus de 40 ans. Si le média rap a désormais muté et s’est davantage tourné vers la création de contenus et en influence (ce n’est pas uniquement mauvais par ailleurs, NDLR), le magazine rap retrouve sa force dans sa forme elle-même : l’objet. C’est le mot qui est le plus ressorti de la bouche des passionnés de papier : l’objet.

S’il s’est transformé, tantôt en mini-livre, en couverture cartonnée, ou en format de 200 pages. Le magazine rap n’en reste pas moins un format unique, indétrônable, qui trouve même un écho en 2022/2023. Le média Mosaïque a travaillé avec cet objet pour pouvoir même le retourner, avec deux couvertures ! Une avec Prince Wally et la seconde avec l’artiste bordelaise BabySolo33.

À l’époque, la Une de couverture d’un magazine avait pour but d’informer sur les sujets et donnait une certaine ligne directrice de l’interview principale du magazine. Aujourd’hui, il attire plus que jamais l’œil, il fait hésiter puis acheter le magazine à de nombreux passionnés de musique. L’objet ne répond plus tellement à la glorification médiatique mais plutôt à l’envie d’un public de suivre ses artistes/journalistes favoris.

C’est le cas de Manon, avec qui nous avons discuté de la sortie du magazine d’Osmose et la présence de Green Montana : « je ne connaissais pas Osmose, mais j’ai acheté le magazine parce qu’il y a Green dessus. Je le suis beaucoup et le voir sur la couverture me l’a fait acheter », propos confirmés par le rédacteur en chef de Cul7ure, Amélien : « on voulait mettre en avant des artistes qu’on aime et qui méritent plus. Quand on était petits, on aimait bien voir des couvertures avec des artistes et l’interview à l’intérieur. C’est un levier de curiosité. Si tu aimes l’artiste, tu peux l’acheter sans connaitre le média ».

Manon, fidèle supportrice de Green Montana, avec le magazine Osmose.

Le rap devient pop grâce au merchandising ?

Brice Bossavie, journaliste pour l’ABCDR du son et Libération (entre autres, NDLR), expliquait ce phénomène du retour à l’objet dans la musique, qui est clairement lié à notre génération. Nous avons apprécié son article sur Libération sorti pendant les fêtes de Noël. À l’intérieur de cet article, on comprendre que les CDs, vyniles, livres et autres merchandising : demeurent des objets aussi importants pour soutenir un artiste que d’aller le voir en concert. Le public veut désormais tous les produits dérivés de ses artistes préférés. Le magazine rap en fait également partie.

Brice développe avec nous : « Ce n’est pas anecdotique ce retour du magazine. Il y a un regain d’intérêt pour avoir un objet. Les magazines papiers se vendent quand tu veux posséder l’objet. On voit la même chose avec le format C.D, avec Trinity, Nekfeu et Les Etoiles Vagabondes ou le $-Crew. Alors que c’est un public habitué au streaming ! Les visuels ont permis de développer cela. Je sens depuis 2-3 ans que les fans de rap qui sont sur internet ont envie d’avoir des choses palpables. Le magazine papier peut s’inscrire là-dedans ».

Ayant participé au livre -à l’encyclopédie- qu’est l’Obsession Rap avec l’ABCDRDUSON, le journaliste voit ce retour de la presse papier d’un bon œil : « le succès de Mosaïque notamment m’a fait plaisir » mais ne reste pas totalement convaincu par sa pérennité : « J’attends de voir vraiment sur la durée ».

Brice Bossavie, contemplant le second livre du média ABCDR du son. Crédits : Raphaël Da Cruz.

Les magazines devenus « perzines » et la publicité

En plus d’un bel objet, le nouveau support du magazine devient un moyen d’expression très personnel, que chacun s’accapare comme il veut. À l’instar des blogs, qui rend une démarche personnelle gratifiante et visible par le plus grand nombre, le magazine est aussi un repli sur soi culturel, un cocon. C’est ce que le sociologue Gérôme Guibert nomme « perzine : des magazines vus comme un journal intime qui parle au ‘Je’ et évoque la musique comme un point de vue ». Ce que pouvaient déjà être, certes, le site-internet ou les réseaux sociaux, mais qui donnent un autre relief via le papier. « Les tweets et les articles sur internet c’est cool, mais mettre tout cela dans un magazine c’est encore mieux » développer Amélien, rédacteur en chef de 7C.

Son ‘concurrent direct Mosaïque’, avec son premier magazine éponyme est allé lui-aussi davantage en profondeur sur la première version de son magazine avec notamment un gros dossier sur les beatmakeuses du monde du rap. Thibaud, rédacteur en chef et co-fondateur du média évoque ces choix éditoriaux cohérents : « The Fader est une inspiration pour le positionnement éditorial. Dans l‘approche des sujets c’est l’ABCDR » développe-t-il. Lui qui avait envie d’un format « sans limites de signes », qui permettrait de « créer un modèle de magazine référence pour le rap » par lequel s’exprimer sur papier comme il pouvait le faire avant sur internet.

Cette démarche DIY, comprenez Do It Yourself, devient de plus en plus compliqué à grande échelle, lorsque les tirages et les sujets deviennent de plus en plus ambitieux. Sanaa, rédactrice en chef et fondatrice de 33carats, un média et un magazine orienté sur la cuture française et américaine, se souvient des débuts de son activité : « créer une équipe en étant seule au départ, pour créer les fondations, c’est dur. J’ai voulu faire ça seule au début, voire à deux, mais j’ai dû recruter depuis ». Élise, journaliste bénévole chez 7Culture confirme les propos de Sanaa : « travailler un magazine c’est vraiment énormément de temps, sachant qu’on a tous un taff à côté ».

Sanaa, fondatrice et rédactrice en chef du magazine 33carats et Chloé Pieras, Directrice Artistique du magazine, posant avec le magazine numéro 4 et leur merchandising.

PRESSE RAP ALTERNATIVE

Car si les médias et le public commencent de nouveau à tous flirter avec le magazine papier, les annonceurs et publicitaires ne se pressent pas pour investir à nouveau le magazine rap. Thibaud, rédacteur en chef de Mosaïque développe : « on a quelques pages de publicité, qu’on veut garder épurées. C’est un encart promo qui n’existe plus pour les artistes qui peut être intéressant. On n’a très peu d’annonceurs, c’est normal ».

Après ces mots, on peut se demander si c’est la fin d’une grande époque. Celle d’un modèle biface des magazines (le modèle biface signifie deux rentrées d’argent : le premier biais avec l’achat d’espace de publicité au cœur du magazine et le second biais avec la vente en direct au grand public rapportant deux sources de revenus, NDLR). Ce manque d’annonceurs renforce la volonté d’une démarche DIY des principaux magazines rap actuels et le bénévolat des journalistes et rédacteurs qui en découlent.

C’est en réalité un cercle vicieux, où le rap se construit en marge des annonceurs et se satisfait de faire peu de place aux contenus payants, pour un prix un peu plus élevé qui ne touche pas la masse. La plus faible rentrée d’argent ne permet pas d’envisager de plus grosses productions et ‘prises de risques médiatiques’. Et c’est là toute la limite du format du magazine actuel. Un propos confirmé par Osmose et son équipe Cul7ure, qui vient récemment de lancer un appel d’offre pour un encart commercial au sein du prochain numéro d’Osmose.

Une évolution des rédacteurs et un laboratoire pour les écrivains

Avec cette nouvelle façon de consommer les informations et une démarche très Do It Yourself de la création d’un magazine, la tendance est davantage à l’éclatement des frontières dans la presse spécialisée rap. Les auteurs deviennent journalistes (et inverse, NDLR) l’espace d’un instant, comme Adriano Bari et son livre « Les roses du macadam » mettant en lien les artistes et des courants artistiques littéraires, ou encore Thomas Blondeau, ancien journaliste chez Radikal, l’Affiche, les Inrocks ou Groove qui a écrit plusieurs ouvrages notamment « Combat Rap : 25 ans de hip-hop » sorti en 2007.

Ce format du livre, plus exigeant et volumineux, est paradoxalement si l’on en croit Nicolas Rogès, plus simple à mettre en place, plus gratifiant et plus financièrement intéressant. L’écrivain de « Kendrick Lamar : de Compton à la Maison Blanche » explique : « le format papier te permet de pouvoir aller en profondeur sur des sujets, ce qu’internet ne te permet plus. Il faut sortie des grandes thématiques actuelles et prendre de la hauteur, quelque chose d’analytique. C’est pour ça que j’écris des livres : sans attente financière mais pour partager des cultures ». Celui qui a travaillé sur un long article des Migos quelques semaine après la mort de Takeoff (REP) s’est également adonné à la rédaction d’un article/chronique sur le dernier album de Kendrick Lamar, pour le magazine 33 carats.

Une dynamique de transmission de la culture qui semble assez similaire à ce qu’il faisait déjà sur ses livres : « Le retour des magazines rap, ce n’est pas aussi étonnant que ça. C’est une mouvance globale, on prend le temps de se poser et raconter l’histoire du rap. Ce n’est pas avec ce format que 33carats ou Mosaïque vont devenirs riches. C’est un truc de passionnés pour les passionnés ». L’évolution de son métier le fait se considérer comme « un auteur, un artiste qui aime raconter l’histoire des autres », avant d’expliquer : « Même si les livres se vendent bien dans la musique, ce ne sont pas des best-sellers ».

En s’incluant dans cette nouvelle génération d’auteurs/journalistes œuvrant dans la culture hip-hop, Nicolas Rogès s’ouvre les portes de nouvelles façons d’écrire. Moins fan des threads twitter mais plus des longs articles de plusieurs pages, l’auteur de « Move on up, la Soul en 100 disques » tient à ce que les frontières évoluent de plus en plus, idem pour les contenus qu’il écrit.

Pour conclure, comme nous avons essayé de le montrer à travers cet article : la presse papier magazine revient dans un contexte plutôt incertain. Les coûts de production en constante hausse pour des rémunérations des métiers médiatiques toujours en baisse. Le rap est mainstream mais l’argent à prendre sur le gigantesque gâteau est tout petit pour les médias indépendants qui se lancent dans le projet d’un magazine. Enfin, la démarche de fanzine voire perzine renforce les lignes éditoriales et les sujets plus personnels des rédactions.

Cependant, la génération Z, qui ne vivrait pas sans son téléphone portable, se décide de plus en plus à réinvestir les objets, pour le plus grand bonheur des artistes et du public. Est-ce que le désastre écologique qui trône au-dessus de la planète terre permet d’envisager le magazine papier comme une finalité en soit pour le rap ? Rien n’est sûr. Pourtant, Mosaique, Cul7ure ou encore 33Carats envisagent bien une nouvelle production de leurs magazines respectifs.

La place hip-hop à Paris réalisera ce samedi 11 mars, dans cette dynamique, une conférence « Le retour de la presse papier spécialisée » avec certains des acteurs cités plus haut. Coïncidence ? Je ne crois pas. Tout comme Squeezie qui a récemment sorti un magazine « Trei Degete » à l’occasion de la sortie du clip ‘SPaceship’ avec Maskey et Mister V. Preuve qu’internet nous réserve encore bien des surprises.

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