Souffrance : « Aujourd’hui je suis dans une optique de discipline ».
Une semaine après la sortie de son projet « Eau de Source » le 10 Novembre dernier, +33 a pu discuter avec Souffrance lors de son passage à Lyon au Marché Gare. Entre les répétitions de son spectacle du soir et une sortie en ville, l’artiste a répondu à nos questions, offrant ainsi une opportunité de discuter avec un « média local ». C’était l’occasion pour lui de partager son point de vue sur la scène, son ressenti quant à son rôle dans le paysage rap actuel, et de revenir sur le tournage de son clip réalisé la veille.
Fort d’une notoriété acquise au prix d’années de rap et de freestyles dans divers formats tels que radios, YouTube et open-mics, le Montreuillois se sent désormais solidement ancré dans le monde de la musique. Après la sortie de ses derniers albums, ‘Tranche de Vie’ et ‘Tour de Magie’, c’est donc avec ‘Eau de Source’ qu’il conclut une trilogie qui a suscité de nombreuses discussions. Sur cet album, Soul Intellect, son DJ, ainsi qu’Oxmo Puccino, Vald et ZKR se joignent à la fête. L’artiste roubaisien qu’il a d’ailleurs reçu pour célébrer -en surprise- la sortie de son projet au Slalom à Lille.
SOn 3ème Album « Eau de Source »
+33 – Comment est-ce que tu te sens une semaine après la sortie de ton projet ‘Eau de Source’ ?
Souffrance – Incroyablement bien. J’ai plus de retours que d’habitude, c’est assez fou. Je suis très content.
+33 – C’est quoi « plus de retours » ?
S – Il y a plus de monde qui partage, des gens du milieu qui ont été touchés et qui n’avaient pas été touchés avant. Je sens que ça bouge plus qu’avant et que ça continue à avancer !
+33 – On n’aurait pas pensé que tu sois touché par les retours des gens du milieu ?
S – Ça dépend qui c’est. Quand Ol’Kainry m’invite sur son album, ça me fait plaisir et c’est un gars du milieu. Quand tu reçois des messages de gens que tu respectes ça fait toujours plaisir. Qu’ils aient pu apprécier ta musique ça fait encore plus plaisir. Tout comme quand Vald me fait un s/o (dans une interview du Code sur Apple Music, NDLR) et qu’il apparaît plus tard dans ‘Eau de Source’. Les featurings du projet, ça fait partie des choses pour lesquelles je savais que le projet allait plus tourner. Mais les retours ne sont pas uniquement qu’autour des featurings, l’album en lui-même a été bien apprécié.
nouvel album dit Nouvelle tournée
+33 – En rapport avec la tournée dans laquelle tu t’es embarquée avec ce projet, tu penses que tu continuerais à faire de la musique si jamais tu ne pouvais plus faire de concerts ?
S – Oui à fond !
+33 – Pourtant on a l’impression que ta musique elle se vit à fond -surtout- sur scène ?
S – J’aime bien les concerts, mais faire une tournée c’est physique. Aujourd’hui on est à Lyon, demain on est à Toulouse. Je vois plutôt les tournées comme du porte-à-porte, milieu dans lequel j’ai déjà bossé. C’est plus l’idée locale, comme cette interview avec vous aujourd’hui. Aller voir les gens chez eux, qu’ils se disent que j’ai fait l’effort de venir jusqu’à chez eux. Souvent, le public est content qu’on se déplace. C’est une démarche de faire connaître sa musique au plus de gens possible.
Puis la scène c’est tout un boulot. L’idéal de ma carrière ce serait de faire 5 scènes par an et passer le reste du temps dans mon studio. Mais aujourd’hui je suis dans une optique de discipline. Cet album je veux le faire découvrir au plus de monde possible. Puis ce que j’aime bien avec la scène, c’est que tu écoutes ton album différemment, tu ne t’arrêtes pas sur les mêmes sons.
+33 – Est-ce que la scène est devenu une habitude pour toi. Tu enfiles le ‘bleu de travail’ pour performer ?
S – Non, quand même pas. C’est surtout d’enchainer les dates. À l’ancienne on faisait une scène, c’était un vrai événement. On trouvait ça trop lourd et après on rentrait à la maison. Aujourd’hui il y a toujours une pression, du trac, mais c’est plus un marathon où il faut tenir. Je sens que je passe dans un autre univers.
+33 – Est-ce que tu as l’impression de devenir ‘un artiste’ ?
S – Je me suis toujours considéré ainsi. Sauf que j’ai mis du temps à me l’avouer. À la base, la vie d’artiste c’est une vie de pauvre. Tu peux être artiste sans en vivre, faire la manche dans le métro et continuer à faire de l’art. Ça dépend de tes besoins aussi. Moi aujourd’hui, ce n’est pas la musique qui me fait vivre. Mais je sens que je suis sur le bon chemin, que j’avance. C’est une période de vie que je suis chanceux de pouvoir vivre alors je prends ma chance à fond.
+33 – Ça fait quoi d’être en « tournée » ?
S – C’est incroyable. Après, tu n’as pas le temps de visiter les villes mais quand tu arrives dans de nouveaux endroits, tu captes des gens que tu ne pensais pas forcément écouter ta musique. C’est inspirant. Tu vois pas mal de monde, tu bouges.
+33 – Tu n’as pas peur d’en avoir marre d’être toujours sur la route ?
S – Je ne suis pas encore au stade où je pars trois semaines en tour bus avec un show dingue. Pour l’instant je n’ai pas encore de ressentiment par rapport à ça. C’est comme toutes les routines ça peut souler. Puis une tournée dépend d’un album, donc la durée de ton show dépendra du projet sorti !
+33 – Remettre les couverts, aller chercher un nouveau public tous les soirs, c’est dur ?
S – Ma première tournée avec « Tour de Magie » avait duré un mois. Aujourd’hui je viens juste de commencer la nouvelle, donc je suis content, on est entre potos !
+33 – Comment tu te vis avec le fait d’être au centre de l’affiche ?
S – Je m’en fous. À la base, je suis quelqu’un qui a du mal à se mettre en avant. Mais petit à petit j’aime bien. Sur scène c’est un moment particulier avec le public. Être sur scène et pouvoir rapper devant un public c’est une chance. À chaque fois que je suis sur scène, je ressens beaucoup d’émotion. C’est comme quand un sportif arrive sur une compétition : si tu te foires, ça sera foiré à jamais.
+33 – Tu es aujourd’hui à Lyon. Les derniers concerts que tu as faits ici c’était dans des ambiances particulières : en hommage à DJ Duke, puis pour Street Work-Out sur les Quais de Rhône. On a l’impression que tu es le meilleur quand le public ne t’est pas forcément acquis ?
S – À chaque fois que j’ai rappé, le public ne m’était pas acquis. Sauf pour mon concert à La Machine à Paris. Il y a deux sensations : soit le public connait tes textes et il te porte ; soit le public ne te connait pas et là tu reviens à tes bases et il faut aller le chercher, comme au début des scènes ouvertes. C’est par rapport au public que tes attitudes sont différentes.
+33 – Comment tu te sens juste avant ton deuxième concert de la tournée ?
S – Je suis content. Hier on a tourné le dernier clip pour défendre « Eau de Source ». Je sors d’une fatigue de production. Hier on a mis un terme à cela. Je suis content de me mettre dans l’énergie tournée, on va prendre du plaisir.
+33 – Ta tournée passera par un concert à La Cigale l’année prochaine. Que représente cette salle pour toi, en tant que parisien ?
S – Furax et Prince Wally m’ont invité à leur concert là-bas. J’adore cette salle, le son est lourd, il y a une vraie proximité avec le public. C’est une salle avec une âme particulière.
Interview rapportée par Tristan.
Photos par Mathis Jouliet.