L’extrême droite, danger mortel pour la démocratie : quelles conséquences pour le rap ?
À l’occasion de l’entre-deux-tours des législatives, plusieurs figures marquantes du rap ont appelé à faire barrage à une extrême droite aux portes du pouvoir. Un acte crucial, à l’heure où les fondements mêmes de notre démocratie sont en péril.
À l’aube du second tour des élections législatives, qui déterminera l’avenir de notre pays, les résultats du 30 juin dernier ont mis en lumière une avancée particulièrement alarmante du Rassemblement National (RN). Avec 29,5 % des suffrages, le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen devance le Nouveau Front Populaire (NFP), crédité de 27,99 % des voix. De son côté, le camp d’Emmanuel Macron, en chute libre à 20,04 %, subit un échec retentissant après la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin.
La jeunesse emmerde le RN, vraiment ?
Selon les chiffres du Ministère de l’Intérieur, ce sont 9,3 millions de Français qui ont voté pour le Rassemblement National à l’occasion de ces législatives. Plus surprenant encore, 33 % des 18-24 ans ont choisi le parti d’extrême droite. Si ce triste constat montre qu’aujourd’hui, une partie de la jeunesse “n’emmerde plus le RN”, il indique également qu’à une époque où le rap s’impose comme le style musical qui prédomine en France, a fortiori chez les jeunes, un grand nombre de ses auditeurs se tourne désormais vers l’extrême droite.
Dissonance cognitive : l’incompatibilité des valeurs
Un phénomène qui met en lumière une dissonance cognitive importante, tant les valeurs du rap et de l’extrême droite sont incompatibles. Émergeant en France il y a plus de 40 ans comme un cri de révolte contre les injustices sociales, le rap s’impose depuis ses balbutiements comme le porte-voix des marginalisés, des opprimés et des exclus.
À l’inverse, l’extrême droite, ouvertement xénophobe et islamophobe, s’est historiquement construit sur un discours prônant la peur de l’autre, le nationalisme et la division. Les leaders du mouvement n’ont d’ailleurs jamais caché leur aversion pour le rap. Dans son livre paru en 2018, Jean-Marie Le Pen déclarait : “On m’a reproché d’avoir dit un jour que le rap était une attaque barbare contre la poésie populaire. C’est pourtant cela”, avant d’ajouter : “C’est le grand remplacement du chant de la France”. Même son de cloche du côté d’Eric Zemmour, qui qualifiait quant à lui le genre de “sous-culture d’analphabète”.
Les artistes se mobilisent
Dans ce contexte de chaos politique, nombre d’artistes (Aya Nakamura, Tiakola, Niska…) prennent – enfin – la parole sur les réseaux sociaux pour inciter les abstentionnistes, et notamment les plus jeunes, à faire front contre l’extrême droite lors des élections, en votant massivement.
D’autres initiatives ont aussi été mises en place, à l’instar de la sortie du morceau anti-RN “No Pasarán”, dont le titre fait référence à la célèbre formule des partisans de la Seconde République espagnole en 1936, alors qu’ils luttaient contre les rebelles nationalistes dirigés par le général Franco. Produite par DJ Kore, la chanson réunit 20 rappeurs parmi lesquels Akhenaton, Sofiane, Zola ou encore Kerchak.
Quelles conséquences ?
Mais alors, quelles répercussions concrètes l’arrivée du RN au pouvoir aurait-elle sur le rap et, plus largement, sur la culture ? Extrêmement populaire auprès des jeunes générations, le rap se distingue par sa capacité à servir de voix de contestation sociale et de rempart contre toute forme de propagande. Par le biais de ses artistes, il met en lumière d’éternelles problématiques sociales telles que les violences policières, la pauvreté, et la discrimination raciale, offrant ainsi une critique acerbe des politiques conservatrices proposées par l’extrême droite.
Vous l’aurez compris, c’est donc “tout naturellement” qu’en cas d’accession au pouvoir, cette même extrême droite imposera irrémédiablement des mesures de censure, de stigmatisation et de répression visant à neutraliser le rap en tant que force de critique sociale et culturelle. Dans quel but ? Restreindre les moyens d’expression des artistes et ainsi réduire l’influence du genre.
Vers la mort de la culture ?
Dans les colonnes de France Info, Mélanie Perrier, membre du Syndeac, le syndicat des entreprises artistiques et culturelles, déclarait que “la survie des artistes serait littéralement engagée” avec l’arrivée du Rassemblement National au pouvoir.
Selon elle, l’une des questions centrales sera la préservation ou non d’un service public de la culture en France : “est-ce que les artistes vont pouvoir continuer de travailler ? Est-ce que les lieux vont pouvoir continuer d’être libres de diffuser ce qu’ils ont à diffuser comme créations? Est-ce qu’ils seront toujours présents sur l’ensemble du territoire ?”
Des questions légitimes, tant l’extrême droite a montré – à maintes reprises – son mépris pour la culture. En mars 2024, Marion Maréchal se disait favorable à “la suppression des régimes spéciaux notamment celui des intermittents du spectacle qui coûte un milliard d’euros par an”, ajoutant qu’il “est ruineux et n’existe nulle part ailleurs en Europe.”
Aux urnes, citoyens !
Plus largement, si l’ascension du Rassemblement National représente un danger certain pour l’avenir du rap, elle constitue avant tout un péril mortel pour notre démocratie et pour les principes de liberté d’expression et de droits humains sur lesquels se fonde notre société.
En cette période décisive, il est impératif de se souvenir que le second tour des élections législatives est notre dernière occasion de faire face à des forces politiques qui menacent de réduire nos libertés, de stigmatiser les minorités et de compromettre nos acquis sociaux. Ce week-end, nous détenons le pouvoir de sauver notre pays du chaos, et c’est par le biais des urnes que cette dérive pourra être évitée. Car, comme le rappelle la journaliste Salomé Saqué : “le meilleur moyen de ne pas avoir à reprendre le pouvoir à l’extrême droite, c’est encore de ne jamais le lui donner”.
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