« OM Records », « Ici c’est Paris », quelle place pour le rap à l’OL ?

Avec les récentes annonces d’un projet en commun 100% parisien mettant la ville et le PSG en valeur, ou encore le dernier freestyle de REDK pour l’OM Records, le football prend plus que jamais sa place dans le rap, mais pas encore à l’OL. Il n’y a qu’à Lyon, troisième ville de France, et considérée comme la 5ème roue du carrosse, que les connexions rap et football peinent encore. Autopsie d’une relation possible mais compliquée.

OM Records

Sortie de l'album « ICI C'EST PARIS » | Paris Saint-Germain

Problème de mentalité ?

Souvent taxée de ville « bourgeoise-bohème », la ville de Lyon a toujours mis plus de temps que les autres villes à s’approprier les choses. Pas par un retard ou un manque de considération culturelle, mais plus car cette mentalité de « descendre les autres plutôt que d’entreprendre soi-même » ou enfin « d’attendre que les autres pètent pour donner de la force » a toujours existé et semble demeurer.

Encore aujourd’hui, le premier single d’or lyonnais de Sasso avec J’picole a mis longtemps à arriver alors que le morceau tournait déjà énormément. C’est un élan national et un second souffle parisien qui a surement permis au pelo’ d’arracher les streams nécessaires au golden price.

Car dans les travées du Groupama Stadium (stade actuel de l’OL), les odes aux rappeurs ne sont pas légion. Si le rappeur Okis, membre du virage nord et fan de foot, porte ce renouveau, il est bien seul pour essayer de faire changer les mentalités. On peut penser également à Zack Nani, également fidèle supporter du Kop Virage Nord, qui promeut la culture hip-hop à sa façon, en stream ou sur Youtube, et élargit davantage le spectre lyonnais de l’urbain.

redonner l’envie

Mais après cela ? Il manque énormément de couleurs musicales à l’OL, que cela soit dans les coursives du stade, mais aussi durant les musiques d’entrées des joueurs, à l’annonce des buts… Le problème reste que ce public de 45 000 personnes en moyenne par match ne s’approprie pas cette culture. Et pour cause, en sortant du prisme de Gerland (7ème arrondissement de Lyon) où était située l’ancien stade de l’OL et en allant à Décines (banlieue est de lyon) où se situe actuellement le Groupama Stadium, on aurait pu penser que l’état d’esprit allait s’ouvrir un peu. Comme les possibilités de voir, des rappeurs porter fièrement les couleurs du club olympien.

Avec une direction immobile, des rappeurs/supporters fatigués du temps qui passe sans réponses et parfois des mauvais résultats de leur équipe : tout est fait pour décourager les artistes de tenter quelque chose.

Okis - Strikt.Net

Récemment, l’OL, le club de basket de l’ASVEL, Adidas et les Nuits Sonores (un festival originel d’électro qui s’ouvre vers le rap désormais) se sont associés pour une soirée « Adidas Sound », avec une programmation urbaine et hip-hop 100% féminine : Le Juiice, Andy4000, et locaux : Yanka, Denha.

Même si le marketing s’y efforce, dans le fond, on se demande encore comment l’OL peut devenir un club populaire comme le sont l’OM, le PSG ou même son ennemi de toujours, l’AS Saint-Etienne.

Ville à la traîne ?

Si Fatal Bazooka pouvait aisément se rire du public lyonnais en 2008 lorsque que le club l’a laissé interpréter « le lyon est mort ce soir » à la mi-temps d’un derby contre l’ennemi vert, on se demande encore comment un rappeur local, en développement ou établi, ne peut se produire sur la pelouse du stade de sa ville.

Pour se faire, on pourrait penser à Casus Belli, qui a interprêté l’hymne de l’OL et défendu tout au long de sa carrière les couleurs rouges et bleues. Il nous témoignait : « un one-shot et puis plus rien ».

Si aucune démarche n’a été entreprise pour continuer en ce sens, il faut aussi souligner que le MC se retire du rap à la fin des années 2000, quand le club gagnait son dernier titre majeur.

S’en suit 14 ans de disette de titres de champions de France. Bien que Karim Benzema soit une fierté régionale, ses 4 LDC gagnées avec le Réal font peine dans l’armoire à trophées du club lyonnais.

Au niveau du rap, la ville a eu les « buzz » de La Famax, Zeguerre ou l’Allemand qui ont mis la lumière sur le rap lyonnais. Mais les institutions ont trop traîné pour capitaliser sur ce buzz-là.

La nouvelle donne du rap Lyonnais

Depuis, une nouvelle ère musicale est arrivée avec la montée en puissance du collectif Lyonzon, aux faiseurs de rap fans de l’OL, mais pas que (Gouap est supporter stéphanois). Ils ont d’ailleurs été sollicités par le club olympien pour la présentation des nouveaux maillots à l’été 2020, quelques semaines après l’annonce de leur signature chez AWA. L’année précédente, Chilla avait également réalisé la même opération en dédiant un son entier à la campagne.

Ils ont tous ouvert la porte à une collaboration plus durable, à l’image de Sasso et Zeguerre pour la nouvelle collection 2021. Autour de l’émission Carton Pl’1 du média -lyonnais- P’tit Délire TV, les deux rappeurs de Lyon ont partagé l’affiche avec le footballeur Rayan Cherki et la basketteuse Merieme Badiane.

L’annonce et la collection, saluées par le public, ont donné à tous l’envie de voir plus de crossovers du genre. Surtout depuis que Sasso, deuxième Planète Rap de l’Histoire de la ville et premiers single d’or et single de platine, se voit monter en puissance avec des ambitions sans limites.

un manque de proximité avec les acteurs locaux

Ce fossé créé entre l’OL et les acteurs du milieu de l’urbain à Lyon a également fait écho à ce qui se passe plus généralement. En témoignent par exemple les parcours de plusieurs médias locaux (que l’on salue) : Views parti sur Paris et ne mettant pas en avant la ville de Lyon d’où elle est originaire ; P’tit Délire qui a mis du temps à exploser aux yeux du grand public ou des médias pour qui l’audience n’a pas dépassé Rilleux-la-Pape comme Gambetta TV…

Ce manque de proximité et de collaboration est palpable lorsque l’on regarde le top des rappeurs à Lyon, et leurs contrats en maison de disque.

Sous quels contrats sont-ils signés ? Quels leviers business ont-ils pour faire face à d’autres mastodontes du rap français ?

quelle place pour le rap à l’ol ?

À Lyon, la plus grosse structure musicale est sans aucun doute Constellation Music, fondée par Pouya. On y retrouve Mecra, RD, La F, Sasso, Jayel ou encore Karaji.

Ormis cette exception, l’ensemble des artistes semble confirmer la règle : L’Allemand en indépendant, Casus Belli en distribution chez Play Two, M20 ou encore Boyzy… Aucun n’accroche de gros deal. Ce manque de considération et de force vis-à-vis du business lyonnais creuse un écart considérable avec les géants marseillais et parisiens.

Avec son groupe OL, Jean-Michel Aulas semble pouvoir transcender l’industrie à échelle nationale, avec pourquoi pas un projet rap « OL Records » ?

Enfin, lorsque l’on parle de manque de structure, les initiatives privées ne manquent pas quant à la création artistique. De nombreux studios d’enregistrement font honneur à la ville : BD Records, ORPIK, Recstar, FUX Cartel, Pirzal. Maitre Gims, Dadju y ont déjà travaillé et participent à leur rayonnement.

Le syndrome du 69 Organisé…

Le syndrome qui semble mettre le plus de bâtons dans les roues reste le « syndrome du 69 organisé ». Depuis la création des mixtapes départementales comme « 93 Empire », « 91 All Stars » et le carton de « 13 Organisé », les initiatives locales ne manquent pas pour pousser les rappeurs des 4 coins de l’Hexagone.

Cette idée selon laquelle Lyon voudrait créer son propre projet plane depuis longtemps. Un sujet évoqué par Mylo VLN des « Daltons » sur Gambetta TV dès 2020 : « Lyon a le meilleur public de France […] Je pense que la ville est prête à cela. Il manque juste de se rassembler et créer un projet commun pour que la ville réponde présente ».

Depuis, le projet des « Daltons » dont Mylo fait partie, les morceaux « Braquage à la lyonnaise 1 & 2 » ou « Dans le 69 y’a pas de Sixnine », semblaient bien partis pour fédérer des artistes autour de projets communs. Sans plus.

13 Organisé - Album by 13 Organisé | Spotify

L’AMOUR IMPOSSIBLE

Une réunion qui semble de plus en plus impossible car la ville ne jouit pas de la notoriété d’artistes à succès comme SCH, Kofs, Alonzo, Le Rat Luciano, IAM, Naps et on en passe.

De plus, personne ne semble « prendre ses responsabilités » quant à la création et à la production de ce projet. Processus totalement assumé et mis en place à merveille par Jul dans le sud. Le récent clash de La F et Gazo, ainsi que l’éloignement de Lyonzon et du reste de la ville du villeurbannais, laissent présager la non-possibilité d’entente.

Et quelle viabilité pour un projet où les embrouilles ont pu prendre le dessus sur la musique, et où certains rappeurs sont « évités » plus qu’« invités » ?

Le plus petit département de France, le 69 semble éloigné lorsqu’il s’agit de se faire des passes décisives et marquer ensemble le but de la victoire du rap. De Villefranche à Saint Fons, en passant par Villeurbanne et Oullins. Le rap et l’OL seront t’ils un jour réunis pour briller à l’échelle nationale ?

Photo de couverture par Bosko Arts.