Diam’s : son album “Brut de femme” souffle sa 20ème bougie
En 2003, Diam’s sortait Brut de femme. Véritable tournant dans sa carrière, ce deuxième album marque les débuts d’une folle ascension. À travers ses récits, l’artiste rappe un parcours de vie semé d’embuches, rouvrant parfois sans pudeur de fraiches cicatrices.
Voilà près de quinze ans que Mélanie Georgiades a quitté le monde du rap. Un laps de temps aux allures d’éternité qui n’a pourtant pas entaché le souvenir de ses fans, et plus largement du grand public. Toujours citée comme la figure de proue d’un rap féminin qu’elle a contribué à façonner, Diam’s aura marqué l’opinion publique par ses titres, son talent, mais aussi une personnalité attachante. À l’occasion du 20ème anniversaire de son deuxième album, (+33)RAP vous replonge au début des années 2000, à la découverte d’un disque parfois oublié par ses contemporains : Brut de femme.
Une ultime chance à saisir
Avril 2002. Diam’s, qui prépare son second album, Brut de femme, se voit proposer un contrat par la maison de disque EMI. Désormais, plus le droit à l’erreur pour la native de Nicosie (Chypre). Trois ans auparavant, cette dernière dévoilait son premier album, Premier mandat. Malgré une bonne presse, le disque n’avait commercialement pas connu le succès escompté. “Les années avaient passé et l’échec cuisant de mon précédent disque avait fait naître en moi une certaine rage”, écrivait-elle dans son autobiographie, parue en 2012. “Et puis je grandissais ; j’avais écrit mon premier album alors que j’étais encore toute jeune mais, à vingt-deux ans, je devenais une petite femme avec de grands combats à livrer.”
Changement d’écurie
Pourtant, une restructuration du label EMI va freiner la sortie de l’album et pousser Diam’s à voir ailleurs. C’est finalement au sein du label Hostile qu’elle paraphe son contrat. Désormais installée dans sa nouvelle écurie, la rappeuse s’entoure des producteurs Tefa et Masta pour peaufiner l’album. “Grâce à eux, je me sentais encadrée artistiquement, j’étais en confiance et je savais qu’ils avaient à cœur de faire du bon boulot”, se souvient-elle. “Après coup, si j’avais pu refaçonner intégralement Brut de femme avec eux, je l’aurais fait, mais le temps nous était compté”.
Quand la France danse au rythme de “DJ”
Désireuse de faire de ce disque un véritable exutoire, l’artiste choisit un premier single à la symbolique forte : Cruelle à vie, dans lequel elle se livre avec amertume sur la nécessité de faire preuve de rudesse pour maintenir le cap. “Mon regard innocent connaît l’vice des mâles, et comme ils disent du mal de Mélanie, et ben ça finit toujours mal”, rappe-telle.
La rappeuse se souvient d’ailleurs de la sortie de ce premier single : “avoir signé avec un gros label me donnait accès à des médias où je n’allais pas auparavant. Pour la première fois, je passais sur Skyrock, une radio nationale, avec le titre Cruelle à vie, qui, je dois l’avouer, a rapidement été écrasé par le succès de DJ”.
En effet, ce dernier allait s’avérer être un véritable raz de marée. Considéré comme l’un des hits de l’été 2003, DJ s’était accaparé la deuxième place des charts en France, s’écoulant à plus de 100 000 exemplaires à l’époque. Un succès qui a toutefois entraîné avec lui son lot de problèmes, se remémore l’artiste. Diam’s révèle en effet s’être attiré les foudres d’une grande partie de la sphère rap de l’époque, qui qualifiait alors son morceau de “rap de camping”. “Je me suis pris des attaques en règle, des railleries en tous genres. La jalousie est une gangrène omniprésente dans ce milieu et, pour la première fois, c’est moi qui en faisais les frais.”
Diam’s, entre méfiance et tourmente
Ce deuxième single marquait également la sortie de l’album, le 26 mai 2003. Un projet de quinze titres nous donnant à entendre une artiste balafrée, dont les blessures sont encore vives. À ce propos, si Vénus et Incassables dressent un portrait peu élogieux de l’homme et de ses vices, le morceau Ma souffrance reste de loin l’œuvre la plus glaçante de son projet, et plus largement de sa discographie. Dans ce morceau directement inspiré de son histoire personnelle, elle raconte avec émotion les violences dont elle a été la victime au cours d’une ancienne relation. “Durant six mois j’ai enduré, j’ai pris des coups sans rien dire / En m’promettant que s’il recommençait et bien j’allais partir / Mais à chaque fois c’était la même, j’avais trop peur qu’il me tue / Trop peur de lui, de ses faits et gestes, de peur d’être battue”, clame-t-elle, en pleurs, sur le morceau.
Une touche de soleil
Pour autant, cet album porte également en son sein quelques morceaux ensoleillés, à l’instar d’Évasion et Amore, respectivement interprétés avec China Moses et Laure Milan, les deux invitées du projet. En véritable amatrice de rap, Mélanie délivre aussi Mon répertoire, une chanson aux allures d’exposé dans laquelle elle délecte son auditoire de mille-et-une références à ses pairs, de Fabe à son grand ami Sinik, en passant par Rohff, La Caution ou encore Express D.
Pour l’anecdote, sachez également que Diam’s a décidé de clôturer cet album avec un morceau sortie plusieurs années auparavant et déjà bien connu de ses fans : Suzy. “Ce morceau, écrit en 2000, ne m’a jamais quittée, et je l’ai joué pendant plus de dix ans sur scène. J’aimais le réserver à la fin des concerts, et c’était toujours énorme. Je ne m’en suis jamais lassée”.
Les prémices d’un succès légendaire
Globalement bien accueilli par la critique, Brut de femme fera finalement double disque d’or (d’après les process de certifications de l’époque), avec plus de 200 000 exemplaires en quelques mois seulement. La suite, c’est un troisième album baptisé Dans ma Bulle qui sortira en 2006, et qui s’écoulera à plus d’un million d’exemplaires. Un chiffre qui, en plus d’avoir été réalisé en période de vaches maigres de l’industrie musicale, place son projet parmi les albums les plus vendus de l’histoire du rap français.